Extrait d'entretien avec Christian Rizzo
Comment avez-vous pensé la programmation pour l’année à venir ? Quels sont les traits d’union, mais peut-être aussi les changements, qui la rapprochent et la distinguent de la saison passée ?
Nous conservons les modalités de partage au public, qu’il s’agisse des Par/ICI:, des processus de créations partagées, des pratiques ou encore des expositions. Je crois que la façon dont on a modélisé cela est assez juste. Demeurent aussi des questions, comme celle de la place du récit ou de la musicalité. Comment continuer, par des biais autres, à réfléchir sur ces pistes ? Qu’est-ce que l’on entend par « musicalité », « fiction » ou « chorégraphie » ? Ce sont des questions importantes que l’on se pose sans cesse avec l’équipe. Il y a des projets encore trop peu visibles et qui me paraissent nécessaires d’accueillir. Il y a également des géographies de pratiques qui se dessinent, que cela soit par exemple avec Soa Ratsifandrihana, Rémy Héritier ou Katerina Andreou. Elles permettent l’émergence de formes qui ne succombent pas à la sur-présence du sujet. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la question du sujet vient prendre parfois le dessus sur la question compositionnelle. Or, les sujets m’intéressent à condition qu’ils portent en eux et fassent jaillir des formes structurelles. J’aime la composition avant tout, j’aime voir comment les modalités d’agencement sont à l’œuvre, comment les artistes prennent à bras le corps de nouveaux dispositifs. Plutôt que d’avoir un sujet qui écrase tout, je préfère voir apparaître les sujets par la composition, faire affleurer de vraies écritures. Il y a peut-être aujourd’hui une perte de projections et de récits communs… Il reste nécessaire d’entendre le bruit du monde tout en étant vigilant à ne pas s’y soumettre aveuglément. Dans mon propre travail, je porte des sujets, des récits sous-jacents qui me meuvent et me tiennent en éveil. Mais je sens que lorsqu’un sujet prend le dessus, je peux être pieds et poings liés : les dérapages, les pas de côtés sont empêchés ; les problèmes compositionnels, vibratoires, les frictions ne sont plus apparents. Je ne pense pas qu’il faille être absolument « hors sujet », mais il faut être attentif face aux formes de consensus ou d’injonctions qui pourraient étouffer l’acte poétique. J’aime être pris par des choses plus grandes que moi, ne pas appartenir à des courants. Avec ICI—CCN, j’essaye de trouver un équilibre au fil des saisons sans souscrire à une famille esthétique ou à un régime d’adresse préétabli. Il m’importe de garder une porosité entre les formes, et c’est grâce à la diversité des spectacles, des artistes invité·e·s en résidence et à la multiplicité de nos actions que des chemins communs apparaissent. L’agencement de composition ou d’écriture reste le terrain possible pour être ensemble.
— propos recueillis par Noëmie Charrié, juin 2022
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